

L’AUBE SPLENDIDE DU DÉSASTRE
Pierre Pigot La superstition des dates, associée à l’apparition des femmes de sa vie, était pour André Breton le repère essentiel qui, depuis l’idéal de la sphère armillaire étincelante, glorieusement exhaustive pour ce qui est du mouvement des astres commandant aux destinées, lui permettait de descendre dans l’atelier surréaliste, le seul lieu de pensée que, depuis les tranchées où jeune étudiant en médecine il s’était retrouvé dans une cave à trancher des membres sanglants


SONNET LXXIII + 4 VARIATIONS
Le Feu Sacré est fier de compter, parmi ses collections, Menace Mineure , consacré à la poésie contemporaine, avec déjà trois volumes à ce jour. Mais dans l’arbre toujours plus vivant qu’on ne le croit de la poésie, il n’y a pas de feuillage vivace sans considérer les branchages parfois robustes, parfois noueux, qui l’ont nourri de leur passé sonore. En cette fin d’année, deux images sont entrées en collision : d’un côté, le sonnet numéroté 73 de Shakespeare, l’un des plus cé


UNE SOIRÉE AVEC BORGES
P endant plus de quarante ans, pratiquement chaque soir où un voyage ne le retenait pas loin de Buenos Aires, Jorge Luis Borges se rendait chez ses amis Adolfo Bioy Casarès et Silvina Ocampo, dans le quartier de la Recoleta. On y mangeait paraît-il très mal, mais Borges faisait toujours semblant de ne pas le remarquer. L’intérêt absolu de la soirée était dans la discussion sans fin, autour des écrivains et des poètes, d’autrefois et d’aujourd’hui, des livres lus et relus, des


ALICE, LES MONDES ET LES MOTS
Pierre Pigot L’Inde ancienne l’a toujours su : tout commence avec les Eaux – et si l’on passe la frontière chinoise, le Tao n’enseigne pas autre chose. Les Eaux sont la dernière manifestation du monde, la plus irréductible face aux investigations de toute métaphysique ; et par conséquent, aussi la condition de toute première manifestation, le matériau transparent, infiniment labile, sur lequel toute chose pourra enfin, sinon être perçue, du moins apparaître. Alice, à jamais â


SAINT CHIEN (ou : DARK TOM & JERRY)
Quelques réflexions au sujet de Good Boy de Ben Leonberg Arthur-Louis Cingualte Jamais très loin, dans un coin du champ de vision, la langue qui pend et la truffe haute, invariablement ravi, disposé à tout (l’agréable comme le désagréable) mais dans l’attente d’une chose bien particulière. Non pas une simple caresse, mais, surtout, le sésame qui l’accompagne : « Bon Chien ! » Et, alors, c’est le monde entier qui chavire. On donne du « Bon Chien » peu importe la race et la


UN OUTSIDER NOCTURNE
Nicolas Tellop Dans l’histoire de l’art, un mouvement chasse l’autre en une éternelle cavalcade vers la nouveauté, le but étant de se révéler plus moderne que la génération d’avant, et plus malin que la plupart des clampins qui forment les rangs du contemporain. Le dernier tiers du XIXe siècle s’est avéré déterminant, puisque les impressionnistes, les nabis et les fauves ont défini les bases de ce qu’on a appelé, après eux, l’art moderne, la peinture s’ouvrant ainsi une voie
















































