S'EN FOUT DE L'UNIVERS CONNU | JOURNAL [DE PLUS EN PLUS] FRAGMENTAIRE & DÉRISOIRE | #08

Fabien Thévenot

    JEUDI 26 NOVEMBRE 2015 | MA JOIE

Plusieurs amis se sont plaint ces derniers jours que leurs livres sortent dans l'indifférence générale. Je crois pour ma part que nous devons écrire et publier dans l'indifférence d'être regardé/considéré pour ce que l’on fait.

Tout ce qui adviendra sera alors du bonus, un mètre de plus grappillé sur le désert qui croît chaque jour par kilomètres. C'est dans cet intérêt que les autres portent de temps à autre à notre travail dans un monde qui n'a résolument plus besoin de ‘nous’ pour terminer sa course que je trouve ma joie.

« Il y a des années, je travaillais pour un éditeur plus soucieux de réussir ses livres que de les vendre. je l'entends me dire :

— Mes livres, je les fais de mon mieux, puis je les jette dans un trou, et de ce trou je ne vois jamais rien sortir…

L'image exprimait si justement la situation qu'elle se présente d'abord : j'ai vu, je vois cet homme assis au bord d'un trou vaste comme Paris, et l'un après l'autre il y jette ses livres, et rien, pas de réponse, pas d'écho.

Cet homme aimait choisir une typographie, un papier, un format, des vignettes. Comme il avait les moyens de ses goûts, il ne pensait ni au marché, ni même à la diffusion. Il laissait le livre tel qu'à ses yeux il devait être et considérait que son destin allait se soi puisqu'il avait, quant à lui fait tout ce qu'il fallait. Que l'évidence de la qualité ne suffise pas à forcer l'attention le laissait démuni, mais il n'en continuait pas moins… »

Bernard Noël, La castration mentale, P.O.L, 1977

    VENDREDI 08 JUILLET 2015 | JEUNE  ÉDITEUR

Hier c'était mon anniversaire. Et je me suis rendu à la première ‘rencontre interprofessionnelle du livre’ organisée par l'Arald — où j'ai appris en épluchant le ’baromètre régional de l'économie du livre’ que l'âge moyen de l'éditeur de Rhône-Alpes est de… 49 ans.

Ainsi, la mauvaise nouvelle, c'est que l'édition dans cette région est une activité de vétéran.

La bonne, c'est que je reste.

Pour encore sept ans.

Un jeune éditeur.

    SAMEDI 23 JUILLET 2015 | DES INFORMATIONS

Les événements de Nice [mais cela vaut désormais pour n’importe quel événement médiatique provoquant de violentes émotions collectives] et la réception que nous en avons via les réseaux sociaux m’ont fait gribouiller sur un coin de carnet quatre petites observations — qui grosso modo tournent autour de la même idée :

— Fut un temps où le monde médiatique nous envoyait sa merde en sens unique. Dieu merci, aujourd'hui, grâce à l'information en réseau, nous avons la possibilité de la dupliquer et de l'envoyer à la gueule de chacun de nos amis.

— Avant de publier une information, un journaliste doit toujours vérifier son authenticité, croiser ses sources. Dans un monde où chacun a la possibilité de colporter [inconsciemment ou délibérément] les conclusions hâtives et mensonges de la presse, il nous importe à nous en tant que médiums de transit, de vérifier l’authenticité de ce que nous partageons afin de ne pas empoisonner les autres.

— On dit que l'information est virale. Rien d'étonnant à ce qu’on parle d’elle aujourd’hui en termes médicaux.

— Nous sommes devenus les idiots utiles de l’information en réseau.

    VENDREDI 15 JUILLET 2015 | CRÉPUSCULE, CLUNY

La nature demeure irrémédiablement indifférente à notre laideur.