S’EN FOUT DE L’UNIVERS CONNU
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JOURNAL FRAGMENTAIRE & DÉRISOIRE | #11
Fabien Thévenot

01|11|25 ● Ce n'est pas tellement le décès de Peter Watkins qui m'attriste mais les trente dernières années de la vie qu'on lui a fait mener en l'empêchant de tourner, en ne finançant pas ses projets. Son dernier film date de 2000, cette époustouflante fresque nommée 'La Commune' [que Arte, coproductrice du film, a tenté de saboter par tous les moyens]. On disait le cinéaste reclus. Je l'imaginais amer. Son refus de donner des interviews ou de venir parler de son travail en festival n'avait pas à être interprété autrement.
Les gens du cinéma & de la télévision ne lui ont jamais pardonné son discours sur les médias, sa critique d'un cinéma qui se rabougrissait autour de quelques formes pré-définies ; ce que Watkins appelait la monoforme. Tout a été fait pour effacer le souvenir de son travail. Et cela a parfaitement bien fonctionné : à part quelques nécrologies écrites à la va-vite dans Le Monde ou Libé, Peter Watkins est mort dans l'indifférence générale.
25|11|25 ● «Nous ne recherchons pas d'autres mondes, nous recherchons des miroirs» disait Sartorius à Kelvin dans le roman ‘Solaris’ de Stanislas Lem. Ce n'est pas personnellement ce que je cherche dans la littérature. À l'exception des fois où l'on m'offre un livre qui fait mouche, dans lequel je me retrouve totalement. Je me sens alors regardé, compris, saisi pour ce que je suis. J'ai eu cette impression il y a quelques jours lorsque mon amie E. m'a offert 'L'ombre entre soi qui écrit' de Wajdi Mouawad ; livre dans lequel il évoque son expérience avilissante de l'école, son rapport à la prise de parole en public, à l'écriture, à la poésie ; le fait d'écrire depuis sa blessure sans être pour autant forcé d'écrire exclusivement sur sa blessure. Assurément un grand petit livre à mettre entre les mains de tous les auteurs qui se posent des questions de légitimité.
04|12|25 ● J'apprends en écoutant Stéphane du Mesnildot dans Mauvais Genres le décès de Jean Guidoni. Honnêtement, le début & la fin de sa carrière ne me passionnent guère mais je reste toujours sidéré par ses disques réalisés au début des années 80 avec le parolier Pierre Philippe dont les lyrics explorent toutes les marginalités : solitude, exclusion sociale, prostitution, homosexualité, manque d'amour ; bref, toute sa période «post-Ingrid Caven». Notamment son album 'Putains', sorti en 1985, sur lequel plane lourdement l'ombre de Bashung. Dont deux titres flottent au dessus de tout le reste : 'Les Carnets de Grisélidis' [adapté du journal de prostitution de Grisélidis Réal dans lequel elle notait les particularités & pratiques de ses clients] mais surtout 'Chien', une déchirante chanson d'amour perdu totalement dénuée d'amour-propre & curieusement pleine d'orgueil. «Je suis, sans me faire connaître / celui-là qui te pénètre / aime-moi dans le corps des autres / embrasse-moi sur leurs lèvres / et crois que celui qui met cette fièvre en toi /ce n'est pas l'autre / c'est moi. ».
08|12|25 ● Cinq morceaux de punk-rock pour 2025
01 || Radioactivity ● Why || Wild Honey Records
02 || Swami John Reis ● Time to let you down || Swami Records
03 || Les Remplaçants ● Séparatistes || Autoproduction
04 || Zero Azúcar ● Apurando || Zéro Azúcar
05 || Distance ● Futur.s || Sabotage
Illustration : Germain Pilon, Tombeau d’Henri II
et Catherine de Médicis, détail du transi d’Henri II, 1583,
marbre blanc (Basilique royale de Saint-Denis)








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