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LES NOUVEAUX FEUX DU MARDI

Pierre Pigot


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Chères Lectrices, chers Lecteurs,

 

Quand le Feu Sacré a accompli cette année son déménagement virtuel, passant d’un vieux site, certes tout à fait fonctionnel, mais menacé par l’obsolescence numérique, vers une nouvelle maison qui soit aussi robuste qu’élégante, il a fallu, de manière tout aussi virtuelle, remplir les cartons – et croyez-nous, cela n’a pas été une mince affaire. Car il ne s’agissait pas seulement de vider les tiroirs à fiches dans lesquels tenait notre catalogue, cet arbre de mots qui, de l’extérieur, peut sembler d’allure un brin baroque, mais dont chaque branche est une collection née de la passion, et chaque nouvelle publication, on vous l’assure plus que jamais, la rencontre réjouissante entre le regard d’un éditeur et la flamme, toujours individuelle, toujours dotée de sa propre couleur et de sa sonorité singulière, d’une écriture. Non, il ne s’agissait pas que de cela, car dans un autre coin de la boutique (de la bottega, si vous préférez, et plutôt que dans un banal commerce, nous voici d’un mot dans l’atelier d’un artiste italien de la Renaissance, où l’on fait marcher la presse à bras en poussant des cris d’encouragement, tandis que dans un coin un graveur s’affaire à peaufiner de nouvelles lames de tarot), il y avait aussi, rassemblées en grands paquets quelque peu menacés par l’oubli et la négligence, toutes les archives du vieux blog. Soit, depuis 2013 au moins, plus d’une centaine d’articles, d’entretiens, de poèmes, de récits, de comptes-rendus – autrement dit, des milliers et des milliers de mots sur lesquels, soudain, nous avons soufflé la poussière non sans un sentiment d’effarement, auquel a bien vite succédé une mélancolie certaine, laquelle a aussitôt été supplantée par une curiosité entrecoupée de fous rires, et aussi parfois de larmes. Ce que nous avions fini par oublier, surtout, c’est à quel point, dès les débuts des éditions du Feu Sacré, leur fondateur, Fabien Thévenot, s’était démené pour animer ce grand Hôtel du Livre-Echangé par lequel il aurait pu définir son travail : questionnant les auteurs, les camarades, astres parfois lointains d’une galaxie de relations où, à travers le fil rouge de la vie culturelle à Lyon, s’esquissait un rapport à la littérature qui se défiait d’emblée de tout parisianisme – moins sa localisation, qui ne manque pas de légendes ragoûtantes, que ses réflexes paresseux et ses chapelles bruyantes ; donnant libre cours à ses propres réflexions rapsodiques ; et ouvrant les colonnes blanches et défilantes du Feu aussi bien au livre qu’à la musique ou au film. Certes, en parcourant ces archives, on constatait les trous d’airs, les périodes d’activité intense suivies parfois de longs silences. Ce qui brillait alors, par contraste avec ces périodes muettes, c’était la folle conviction avec laquelle la maison d’édition avait traversé doutes ou perturbations, alors qu’il lui suffisait de regarder par-dessus son épaule, une fois n’est pas coutume, pour constater l’ampleur si réjouissante du chemin parcouru. Et ce qui comptait avant tout : cette étincelle vive, cet appétit pour le nouveau, cet étonnement devant l’étrange, cette attention portée au détail comme surprise – tout ce qui valait largement mieux qu’un de ces manifestes que le temps se charge de démentir ou de faner. Mais en se rapprochant de notre décennie rageuse et inconsistante, il devenait évident que tout cela n’était pas à évoquer au passé – qu’au contraire, tout cela vit encore, et plus que jamais, dans les collections d’essais ou de poésie que le Feu Sacré s’efforce encore et toujours, et pour longtemps encore nous l’espérons, de faire vivre par l’adjonction de voix nouvelles. Voici à nouveau disponible la quasi intégrale de ces archives, dans lesquelles nous vous invitons à naviguer, avant toute chose, comme il vous plaira – avec le même caprice éclairé que celui d’un petit voilier qui n’a que l’embarras du choix quant aux îles qu’il pourrait aborder. Et il ne sera pas nécessaire de plus longues déclarations, pour vous faire comprendre ce que vous aurez déjà deviné, que ce grand inventaire n’est que le prélude à une nouvelle étape dans cette aventure qui compte déjà près de quinze ans à son compteur. Désormais, le blog de nos éditions a un nom, la REVUE DU FEU, et il vous donnera un rendez-vous régulier ici-même, chaque mardi, avec l’espoir de vous faire découvrir nos livres, ou l’univers qu’ils laissent soupçonner, parfois aussi vaste qu’une encyclopédie à la Borges, parfois aussi enthousiasmant qu’un long riff extatique. Une maison d’édition, à sa manière, envoie des missives à ses lecteurs : ils sont libres d’ouvrir leur boîte aux lettres et de s’en emparer – ou pas. Notre espoir, lui, réside dans cette liberté à chaque fois renouvelée. Puisse la nouvelle formule de cette revue en ligne, vous faire venir toujours plus nombreux à notre rencontre !

 

Pierre Pigot

Directeur de la publication, La Revue du Feu

 

 

Illustration : Alfred Wertheimer, Elvis Presley lisant

le courrier de ses fans, 1956 (détail)

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