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FIN DE PARTIE

Dernière mise à jour : 19 juil.

Sur “Avengers : Endgame” des frères Russo


Steven Lambert


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Comme bien souvent dans le cinéma américain (et dans ce qu'il a de meilleur), il aura fallu trois heures pour faire mentir une phrase, ce mantra de la fiction classique répété par Thanos : “Je suis l'inéluctable” (I am the inevitable). Inéluctable, bien sûr, comme la fin de toute histoire, de toute épopée, de tout programme. Inéluctable comme la lumière qui se rallume à la fin du film. Inéluctable comme la déception de retourner dans le monde qui lui ne s'est pas arrêté ou pas encore.

 

Comment mieux faire mentir cette phrase sinon en lui opposant ce qu'aucun film de super-héros n'avait osé encore montrer, opposant à l'extinction et à la fin le visage souriant et lumineux, marqué non par la mort mais par le temps, d'un vieil homme ? Cet homme assis devant un lac, serein, plein d'une vie secrète, invisible à l’œil nu comme tout trésor qui se respecte, Captain America, c'est nous.

 

Car si les traits des super-héros sont bien les nôtres derrière masques et armures, alors ses rides sont aussi les nôtres. Nous qui avons vieilli avec eux, secrètement comme lui.

 

Ou mieux : nous qui devons maintenant vivre comme lui, sans costume, incognito, en dehors de tout récit programmé, mis en image (numérique ou pas) et monté, hors de son temps, dans une ellipse à l'échelle d'une vie.

 

Il ne s'agit pas d'être ou de jouer à Captain America. Il a existé, vécu, aimé, été heureux, nous dit ce simple sourire. Son bonheur est un rébus – de la lumière, un morceau de musique et un baiser – comme déjà les sigles sur leur poitrine ; à chacun de le comprendre comme s'il n'avait été forgé que pour lui, à chacun d'inventer le sien.

 

Son bouclier n'est pas à celui qui est digne de le soulever, comme le marteau de Thor, mais à tout le monde, à tous ceux prêts à faire de leur mieux comme il le dira, prêts à s'en rendre dignes en le portant, en assumant pour soi et les autres de le porter. Que faisons-nous de la fiction, de ces films, séries, livres, de toutes ces œuvres petites et grandes, sinon chercher à nous en rendre dignes ?

 

Il aura fallu trois heures pour qu'un film s'auto-détruise volontairement, fasse mentir son propre titre, comprenant qu'il fallait non pas que l'histoire s'arrête mais qu'elle ne faisait que commencer, qu'elle ne pouvait que continuer, ailleurs. Que le cinéma c'était ce qui rendait la vie plus intéressante que le cinéma. Mais surtout que tout irait bien pour nous, comme le dira Miss Potts à Tony Stark.

 

Steven Lambert, 09 mai 2019.

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