BOOKHOUSE GIRL #52 / Sabrina Calvo, écrivaine & femme-orchestre
- lefeusacreeditions
- 18 mai 2019
- 3 min de lecture

“Fin 1997, Sabrina me tend un trade paperback - j’adore l’expression, c’est elle qui me l’a apprise -, un imprimé de bandes dessinées à couverture souple jaune et noire, avec une émoticône ensanglantée sur le devant. Oui, c’est les WATCHMEN de Moore et Gibbons. C’est loin d’être la seule fois qu’elle changera ma vie, mais c’est la première. On ne peut plus vivre comme avant quand on fréquente des gens pareils. Lorsque l’on pense à elle, on peut se revoir vingt ans en arrière, en train de lire Neil Gaiman dans une chambre avec English settlement d’XTC sur la platine, lentement en train de se transformer grâce aux gestes simples de Sabrina, des cadeaux, des prescriptions médicinales sous la forme visible de romans, disques, comics, invitations à aller voir des films de toutes les époques et de toutes les couleurs, c’est-à-dire que je vois ce que l’amie/l’artiste/l’écrivaine/la joueuse était déjà capable de faire de moi, quel personnage poétique elle me proposait d’incarner dans le métro, au téléphone, sur les marches qui mènent au cinéma en attendant la séance, ou face à la plage du Prado depuis la terrasse où s’écrase une lune. Durant quelques années, Sabrina aura été ma dealeuse de fiction, ma marchande de technicolor et mon inspiratrice en anarchie. Et cela sans même parler de sa bibliographie. Oui, nous aurions aussi bien pu citer ses nouvelles, bandes dessinées, game poems ou prises de position en public, évoquer le Rosny aîné et le Grand Prix de l’Imaginaire qu’elle a remporté en 2018 avec le roman Toxoplasma - ce qui la place sur la même parallaxe qu’un Laurent Genefort ou un Maurice Dantec, mais entre nous, elle s’en fout ! Écoutons plutôt cette stand-up conférence où les jeux vidéos et leur narrative design redeviennent le terrain d’une bataille qui concerne même ceux qui ne jouent pas, ou encore cette intervention sur la spiritualité militante de Sabrina face à l’expérience de science-fiction humaine qu’est l’acte de changer de sexe pour enfin se retrouver soi. Sabrina Calvo, c’est mon tutoriel attitré pour les jours à marquer d’une pierre blanche.
Aurélien Lemant, mai 2019.“
Sabrina Calvo est notre Bookhouse Girl de la semaine. La cinquante-deuxième, comme la dernière carte en équilibre au sommet du château.
|Que trouve-t-on comme nouvelles acquisitions dans ta bibliothèque ?
The Quiet Rebels, de Margaret Hope Bacon. Karin Tidbeck, Amatka. Kingdoms of Elfin de Sylvia Townsend Warner et une fournée de bouquins de poésie québécoise de La Peuplade.
|Quels livres marquants as-tu découverts à l'adolescence et que tu possèdes toujours ?
Âmes perdues, de Poppy Z.Brite.
|Lequel de tes livres prêterais-tu à quelqu'un qui te plaît ?
Attends je demande à mon mari.
|Que trouve-t-on comme livres honteux dans tes rayonnages ?
The Fountainhead de Ayn Rand. Je hais Rand, tout ce qu'elle est, sa philosophie de merde et sa prose pourrie. Mais j'adore ce livre. C'est mal.
|Quels livres as-tu hérité de tes proches ?
Wendy Delorme, La Sainte, la mère et la putain
|Le livre que tu as le plus lu et relu ?
Le Pendule de Foucault, d'Umberto Eco.
|Le livre qui suscite en toi des envies symboliques d'autodafé ?
Aucun. En tout cas, dans ce ceux que j'ai lu.
|On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, oui, mais lequel ?
L'Histoire sans fin, de Michael Ende.
|Quel est l'incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?
De la Nature, d'Héraclite.
|Au bout d'une vie de lecture, et s'il n'en restait qu'un ?
La Poétique élémentaire, de Bachelard.








Commentaires