BOOKHOUSE GIRL #51 / Lynda Handala, romancière
- lefeusacreeditions
- 12 mai 2019
- 3 min de lecture

“Je crois que mon unique but est de m’injecter de l’affreuse poésie dans les veines, de celle qui peut bâtir un peuple.”
Originaire de Tizi-Ouzou, Algérie, Lynda Handala publie son premier roman à l’âge de 19 ans, Les Voix du Hoggar, road book touareg où s’agite tout un spectre saharien déroulant la future langue, féministe, précieuse et exaltée, de l’autrice. Si Handala écrit chaque jour des poèmes pour l’heure inédits, c’est dans Alunissons qu’ils s’entendent, fantasy kabyle pétri d’un romantisme frénétique intemporel, tamisé par l’influence désertique, presque lunaire, de ce rêve de science-fiction africaine où le récit s’emballe au ralenti comme du prog-rock écouté sous des drogues qui n’existent pas encore. La francophonie a un avenir : il est fantasmagorique, psyché, teratogène et stellaire. Lynda Handala entre dans la zone 51 de nos Bookhouse Boys & Girls.
|Que trouve-t-on comme nouvelles acquisitions dans ta bibliothèque ?
Le Village de l’Allemand de Boualem Sansal dont la plume, tranchante et juste, parvient à relier la Shoah, la décennie noire en Algérie et la situation des banlieues françaises. Et puis, je viens juste de recevoir Sycomore Sickamour de Pacôme Thiellement qui tisse le fil rouge du sickamour…
|Quels livres marquants as-tu découverts à l'adolescence et que tu possèdes toujours ?
Que j’ai toujours : Le Prince des marées de Pat Conroy, littérature sudiste qui m’avait littéralement ensorcelée. Tous les ingrédients de l’envoûtement y sont : sous un soleil pesant, le décor fertile de la Caroline du Sud, une enfance abîmée couvée dans de violents secrets, une figure maternelle élevée au rang de déité…
|Sans égard pour sa qualité, lequel de tes livres possède la plus grande valeur sentimentale, et pourquoi ?
Je n’ai pas de livre que je chéris en tant qu’objet. Mais sentimentalement et même viscéralement, j’aime Le Dernier été de la raison, roman posthume de Tahar Djaout assassiné en 1993 par ceux-là mêmes qu’il appelle les Frères Vigilants dans son livre. Il est à lui seul une prophétie qui se vérifie encore aujourd’hui.
|Lequel de tes livres prêterais -tu à quelqu'un qui te plaît ?
Le Mausolée des amants d’Hervé Guibert. Il parvient toujours à magnifier la vie dans la maladie, à magnifier les corps même quand ils sont pleins de trous. En fait, toutes ses œuvres pourraient convenir, car toutes disent la force de la poésie et de l’amour géant qui peuvent unir les Hommes.
|Que trouve-t-on comme livres honteux dans tes rayonnages ?
Je les aime tous.
|Quels livres as-tu hérité de tes proches ?
De ma mère, quelques romans d’Agatha Christie, quelques classiques de la littérature française ayant appartenu à mon grand-père, V for Vendetta d’un ami pérégrin.
|Le livre que tu as le plus lu et relu ?
L’Etoile secrète de Jean Amrouche. « Je cherche ici pour vous le secret de mon être » !
|Le livre qui suscite en toi des envies symboliques d'autodafé ?
S’il mérite d’être brûlé alors il mérite d’être tu.
|On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, oui, mais lequel ?
Sans hésiter : Ailleurs d’Henri Michaux, pour explorer la Grande Garabagne et le Pays de la Magie !
|Quel est l'incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?
Un manuscrit original des Enfants terribles de Cocteau griffonné de ses dessins épurés.
|Au bout d'une vie de lecture, et s'il n'en restait qu'un ?
Sa Majesté des mouches de William Golding pour expliquer l’humanité.
Alunissons, Dalimen (Alger, 2017).








Commentaires