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BOOKHOUSE BOYS #08 / Blaise Nada

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Blaise Nada fait partie de ces gens que j'ai rencontré via Facebook, dont je suis l'actualité de près, mais dont je sais finalement bien peu de choses. A commencer par son visage. C'est la raison pour laquelle je l'ai invité à répondre au Questionnaire des Bookhouse Boys, en prenant bien soin de lui préciser que j'avais besoin d'une photo de lui pour illustrer l'article. Peine perdue (dans ta poche crevée), le coquin a trouvé la parade pour conserver son anonymat quelques semaines de plus.

 

A moins de le connaitre personnellement, vous n'en saurez donc pas plus que moi : Blaise Nada est l'auteur des textes du très beau livre “Les Femmes Objets” (La Sauce aux Arts Éditions) photographiquement illustrés par Anxiogène. Son blog plein de bons mots et de textes plein d'esprit est consultable ici.

 

| On trouve quoi comme nouvelles acquisitions dans ta bibliothèque ?

Mes dernières acquisitions datent de Passages de Témoins, la salon du livre de Caen. J'y ai acheté  Khôl, un recueil de poèmes d'Isabelle Menival, une amie et poète contemporaine. Je suis assez imperméable à la poésie, à part quelques auteurs du XIXème comme Baudelaire et Corbières. Mais je tenais à avoir son livre, par amitié et curiosité. Comme souvent avec la poésie contemporaine, je suis partagé entre une certaine frustration et l'admiration pour les fulgurances. Le samedi soir, j'ai pris une cuite avec quelques auteurs de BD chez un ami libraire, j'ai beaucoup discuté avec un type dont j'ai apprécié l'humour et la conversation. Vu qu'on était à un moment de détente et que je sais que les journées des auteurs sont longues sur les salons, je ne lui ai pas demandé ce qu'il faisait. Le lendemain, je me rends compte qu'il s'agit d'Anthony Pastor, auteur du roman graphique Las Rosas, que mon libraire essayait de me vendre depuis des mois. A raison. Enfin, je cherchais L'Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah depuis des années et j'en ai trouvé un d'occase pour pas un rond. J'adore les livres de vulgarisation que je feuillette toujours avec grand plaisir et qui me servent aussi pour le travail de documentation. Et sinon, Hiver sur les continents cernés traînait dans nos bureaux avant de partir mourir de sa belle mort poussiéreuse dans nos archives, j'ai donc demandé à l'équipe de le récupérer arguant que sa place se trouvait dans une bibliothèque dans laquelle il serait lu. Je me demande si ce questionnaire ne m'a pas été envoyé justement parce que je venais de récupérer ce livre. J'avoue à ma grande honte que je ne l'ai pas acheté.

 

| Quels livres marquants as-tu découvert à l’adolescence et que tu possèdes toujours ?

Le Matin des magiciens de Pauwels et Bergier, découvert vers 8 ou 9 ans et relu sans cesse jusqu'à  ma majorité, livre qui a été un vrai bouleversement intellectuel, à la fois dans sa façon de questionner le monde et les limites de nos connaissances, de donner une justification argumentée à ma passion pour le fantastique et de me faire découvrir des auteurs comme Borges, Clarke ou Caillois. Je suis un sceptique convaincu mais reste un grand amoureux de l'ésotérisme. Je n'ai plus mon exemplaire de l'époque, qui a fini par tomber en morceau mais ai racheté exactement la même édition. Le Voyage au bout de la nuit dont la quatrième de couverture avec son « Je ne veux plus mourir » et qui m'avait fasciné dans les rayons d'un supermarché ou Une prière américaine de Morrison ont connu le même sort au collège et lycée. Dévorés jusqu'à n'avoir plus que la couverture sur les os. Je les ai rachetés également dans les mêmes éditions.

 

| Tu prêterais lequel de tes livres à quelqu’un que tu voudrais séduire ?

Un livre que j'ai offert à  la dernière femme que j'ai séduite et avec laquelle je me suis marié  depuis : Fragments d'un discours amoureux de Barthes. Je crois que si ce quelqu'un se reconnaît dans ce livre qui a la force d'annihiler toute le clinquant romantique de l'amour tout en soulignant tout ce qui y a trait au deuil, à la folie et une certaine forme de mysticisme dérisoire, nous avons une chance de vivre quelques beaux moments. Et le fragment est quasiment par définition la forme littéraire de l'amour.

 

| Que trouve t-on comme livres honteux dans tes rayonnages ?

Je crois qu'il n'y a rien que je considère comme honteux dans ma bibliothèque, j'ai pris l'habitude face à l'envahissement de faire le tri. Dernièrement, les gens qui ont pris la peine de la parcourir ont tiqué sur Ma guerre d'Indochine de Bigeard, acheté chez un bouquiniste pour des questions de documentation. J'avoue être assez sensible au parcours du bonhomme, 2ème classe devenu général quatre étoiles, ayant traversé toutes les guerres françaises des plus justes aux plus dégueulasses et dont la langue, naïvement patriote, est très marquée stylistiquement parlant. J'aime beaucoup la langue militaire, les relents de latin, la rigueur classique qui flirte parfois avec la pauvreté, les élans lyriques… Ce qu'il y a d'honteux dans ma bibliothèque, c'est ce que d'autres trouvent honteux : les romans d'espionnage que je n'ai pas lu mais que j'ai récupérés avant qu'une poubelle ne les engloutisse, la pornographie, les recueils d'Histoires extraordinaires de Pierre Bellemare ou des livres sur les faits-divers… Rien de honteux pour moi.

 

| Quels livres as-tu hérité  de tes proches ?

Beaucoup de Livre de Poche, abandonnés dans la cave de la maison familiale et dont je suppose qu'ils appartenaient à mes parents. Bien qu'ils étaient d'un milieu populaire et que je ne les ai jamais vu lire, il y avait dans le tas des bouquins de Sartre, de Gaston Leroux, de Gide, de Kazantzaki, de  Zola que je lisais en primaire avec enthousiasme et sans en comprendre le quart. J'en ai récupéré la plus grande partie, celle qui était la moins abîmée. Même si pour la plupart, je ne les lis plus, ils sont mon hommage à cette période de l'enfance où je lisais n'importe quoi, sans distinction, sans savoir ce que j'avais à penser des livres que je lisais. Les livres sont mes plus beaux souvenirs d'enfance. Je me considère culturellement comme un enfant du Livre de Poche et de l'éducation populaire.

 

| Le livre que tu as le plus lu et relu ?

Je ne sais pas, probablement une bande-dessinée ou un comics, pour des raisons pratiques évidentes. Dans les romans, j'étais au lycée capable de citer à partir d'une lecture faite au hasard le numéro de la page lue (à dix pages près) du Voyage au bout de la nuit. Ca épatait les filles et les hippies. J'en lisais également toutes les éditions que je trouvais. Depuis, il y a eu une longue période où je relisais chaque été le Dalva de Jim Harrison. Enfin, dans ma bibliothèque de travail, le Sandman de Gaiman fait partie des livres que je relis chaque fois que j'ai un coup de mou créatif.

 

| Un livre qui suscite en toi des envies d’autodafé ?

J'ai déjà brûlé Une prière américaine suite à un pari, j'avais le livre en permanence sur moi et on m'avait accusé de matérialisme. J'étais aussi réactif que stupide. On a également brûlé Un barrage contre le Pacifique de Duras, avec un ami devenu depuis chanteur, Triste Tropique. Je hais toujours Duras dont je n'arrive pas à comprendre que presque personne ne remarque comment elle a influencé, sans doute malgré elle, toute une sous-littérature sentimentale et bourgeoise qui pourrit nos librairies. Quand on ne sait pas écrire, pour faire littéraire quand même, on fait comme Duras : phrases courtes, jeu sur les répétitions, rejets et assonances. Je brûlerais donc l'Amant, pour n'en prendre qu'un, avec un immense plaisir. Donnez-moi une centaine d'Amant et je me chauffe tout l'hiver.

 Je suis contre les autodafés et toutes les formes de censure. Rien ne donne autant d'importance à  un livre qu'un imbécile qui le brûle, le découpe, le met en réserve. L'enfer des bibliothèques est pavé de chefs-d’œuvre. Dans mes pérégrinations bibliophiles, je fais toujours attention à acheter des livres qui ont un moment  été interdits ou dont les auteurs ont payé cher le fait d'avoir écrit un jour ce qui pouvait déplaire.

 

| On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, tu optes pour lequel ?

Je veux être pour toujours Angelo Pardi dans Le Hussard sur le toit de Giono. Un monde s'écroule à cause d'une épidémie de choléra, cela n'empêche ni l'aventure, ni l'élégance, ni la hauteur de vue, ni enfin de fumer de temps en temps un petit cigare quand seul le plaisir de vivre malgré tout le demande. Un peu d'orgueil, un peu d'honneur et le refus du souci de soi au milieu d'une apocalypse. Une certaine idée du XIXème quand la modernité n'avait pas encore le vulgaire comme modèle. Et puis Manosque, le Sud, l'Italie… J'aime les fins de monde, c'est l'endroit où je me sens le plus à l'aise. Quelque soit sa période, je vivrais dans n'importe quel roman de Giono. Parce que tout les romans de Giono même les plus simples sont des mondes en soi, vastes, où les personnages sont faits de saison, de ciel et de terre. Je regrette chaque jour de ne pas être Angelo Pardi et de ne pas fumer sur le toit un petit cigare en regardant, sans peur aucune, l'Occident sombrer.

 

| Quel est l’incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?

En ce moment, La Maison des feuilles de Danielewski, non-réédité et trop cher à mon goût sur le net. Ma bouquiniste préférée est sur le coup. Je l'ai lu l'année dernière et ce roman expérimental qui parvient à t'empêcher de dormir comme un Stephen King réalise, à mon avis, un grand écart fascinant entre avant-garde et littérature populaire.

 

| Au bout d’une vie de lecture, et s’il n’en restait qu’un ?

Je ne sais pas… Probablement, une encyclopédie ou un dictionnaire ou une anthologie. Ou la Bible de Port-Royal. Un livre qui en soit plusieurs.

 

MON POING PERDU DANS TA POCHE CREVÉE | FACEBOOK

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