BOOKHOUSE BOYS #07 / Alexandre Laumonier
- lefeusacreeditions
- 28 mai 2013
- 5 min de lecture

Zones Sensibles est le genre de maison d'édition dont nous nous sentons proches, autant pour leur démarche éditoriale (même si eux ont fait le choix de n'éditer que de la non-fiction) qu'au regard de leur ligne graphique (signé The Theatre of Operation). Leur volonté de se réapproprier les sciences humaines en les rebaptisant « Sciences de l'Homme », leur désir de ne plus produire du « discours pour spécialistes » et de s'adresser avant tout aux « non-initiés » sans pour autant faire dans l'ouvrage de vulgarisation nous a — dès leur création en 2010 — semblé viser juste et être porteur de belles promesses (pour le moment toutes tenues). De multiples raisons, donc, d'inviter le Bruxellois Alexandre Laumonier à rejoindre les BookHouseBoys et à le soumettre au petit questionnaire d'entrée.
| On trouve quoi comme nouvelles acquisitions dans ta bibliothèque ?
Que des livres que je n'ai pas encore eu, pour la plupart, le temps de lire. J'ai donc une grande pile de livres récents en attente, parmi eux : “Les mystères de la gauche” de Jean-Claude Michéa ; “Le travailleur étrange” d'Émile Verhaeren, dont j'avais adoré les “Vies tentaculaires” lorsque j'étais adolescent ; “Numéro d'écrou 362573” d'Arno Bertina et Anissa Michalon ; “Les cobayes” de Ludvik Vaculk ; “Projet El Pocero” de Anthony Poiraudeau, le seul que j'ai un peu entamé car Zones sensibles a peut-être un projet autour des nouvelles villes ; “Aberration de lumière”, le dernier Gilbert Sorrentino que son traducteur, Bernard Hoepffner, m'a sympathiquement offert ; “Liberté dans la montagne” de Marc Graciano… Je lirai tout cela cet été — j'oubliais “Droit et révolution” de Harold J. Berman, un pavé sur la manière dont le droit romain s'est immiscé dans le droit contemporain via, notamment, les scolastiques médiévaux, un excellent essai que Laurent de Sutter m'a mis entre les mains…
Sinon j'ai une autre pile, avec uniquement des essais ou des textes théoriques sur l'histoire et/ou le fonctionnement des marchés financiers, dont j'ai besoin pour l'écriture de “5”, la suite et fin du livre que j'ai fais paraître en février sur l'arrivée des ordinateurs dans les marchés. Cette pile là est en ce moment beaucoup plus consultée que l'autre…
| Quels livres marquants as-tu découvert à l’adolescence et que tu possèdes toujours ?
Pas mal de Simenon, que je trouve toujours aussi bons; “De la certitude” de Ludwig Wittgenstein, dont la lecture, juste après le Bac, m'avait fortement marqué (j'ai toujours les autres Wittgenstein achetés à cette époque) ; “Suttree” de Cormac McCarthy, acheté à une époque où McCarthy était encore publié chez Actes Sud, sans connaître le succès des années 2000 ; des poèmes de Odysséas Elýtis, dont “Marie des Brumes”, que j'ai toujours adoré même si je lis assez peu de poésie et quand bien même j'ai découvert le grand Mandelstam à un moment ; les premiers romans de Coetzee ; beaucoup de Borges et de Sarramago ; et pas mal de science-fiction en poche (Ballard, Dick, etc.).
| Tu prêterais lequel de tes livres à quelqu’un que tu voudrais séduire ?
Difficile de répondre, car cela dépend évidemment de la personne qui serait hypothétiquement en face de moi ;) “Marie des brumes” d'Elytis m'a paru être un chouette choix à une époque ;) Aujourd'hui, je ne sais pas trop, séduire par un livre suppose de déjà bien connaître la personne à qui on l'offre, et tout dépend si on souhaite, via un livre, se faire découvrir soi-même à l'autre, ou pas, etc. Aujourd'hui, je ne sais pas exactement ce que je choisirai (sans doute parce que je n'ai pas besoin de séduire quiconque, ma vie affective étant au beau fixe ;).
| Que trouve t-on comme livres honteux dans tes rayonnages ?
Aucun livre n'est honteux per se, je me souviens que mon père me racontait que pendant des années Simenon avait été considéré comme « une merde », tous les intellectuels crachaient sur cet écrivain « de gare » alors qu'il est de bon ton, aujourd'hui, chez les intellos, de saluer ce véritable écrivain qu'était Simenon. Je n'ai pas donc pas vraiment de livres honteux, car je ne renie aucune de mes lectures passées, même si 10 ou 20 ans plus tard il m'arrive de me dire que ce livre “n'était vraiment pas terrible”. J'ai même gardé des Six compagnons de mon enfance, et des Bob Morane, qu'il m'arrivait encore de lire il y a quelques années. J'ai encore quelques “Planète”, cette revue ésotérique dont certains textes me font bien rigoler aujourd'hui – mais il ne faut pas oublier que “Planète” fut aussi la première revue française à traduire un géant comme Jorge Luis Borges, par exemple.
| Quels livres as-tu hérité de tes proches ?
Assez peu, pour le moment, lorsque ma grand-mère paternelle est décédée j'ai récupéré des Simenon qui faisait doublon avec ceux de mon père, et quelques livres de science fiction (dont certains numéros de la revue de SF mythique “Fictions”). J'ai aussi récupéré, au décès de mon grand-père maternel, quelques anciens Dictionnaire Larousse, qui restent finalement très utiles parfois.
| Le livre que tu as le plus lu et relu ?
“De la certitude” de Wittgenstein, à un moment de ma vie. “Mille plateaux” de Deleuze & Guattari à un autre. Et aussi les nouvelles de Borges.
| Un livre qui suscite en toi des envies d’autodafé ?
“Farenheit 451”, non ? Blague à part, je ne suis pas pour l'autodafé : même les textes les plus abjects doivent être disponibles car le meilleur moyen de combattre des idées est de commencer par en lire les textes, il faut toujours avoir en face de soi de quoi s'opposer. Par ailleurs, si on commence par faire un autodafé de certains livres, alors la porte est ouverte et il devient compliqué ensuite de décider de ce qui doit disparaître ou non…
| On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, tu optes pour lequel ?
Question piège, car je ne lis plus beaucoup de fictions depuis des années — en tant qu'éditeur je ne fais que dans les « sciences de l'homme », et les sujets qui m'intéressent et sur lesquels j'essaie de réfléchir tous tous du côté de la « non fiction ». En répondant du tac au tac, sans vraiment réfléchir, je me dis que certaines atmosphères de certaines nouvelles de J. G. Ballard (“Vermillion Sands” par exemple) me conviendraient bien. Ou dans le monde alternatif du “Maître du Haut-Chateau” de Philip. K. Dick (son meilleur, à mon sens).
| Quel est l'incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?
Le tome II de la “Poétique” d'Aristote !
| Au bout d’une vie de lecture, et s’il n’en restait qu’un ?
Je répondrai quand je serai mort et que j'habiterai les espaces ensablés et musicaux de “Vermillion Sands”.
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