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BOOKHOUSE BOY #32 / Frédéric Jaccaud, écrivain

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Quand on parle de “livres-monde”, on pense souvent d'office à ces énormes pavés autour desquels on tourne parfois pendant des années (Le Tunnel de William H. Gass, 2666 de Bolaño ou L'Ange exilé de Thomas Wolfe). On oublie vite que faire monde en littérature n'est pas tant une affaire de quantité qu'une affaire d'atmosphère, d'imagination et d'intelligence. J'en veux pour preuve l'extraordinaire richesse d'un livre tel que L'Invention de Morel qu'Adolfo Bioy Casares est parvenu à condenser dans une centaine de pages.

La liste de ces textes courts qui ouvrent sur des abîmes n'est finalement pas si longue, et j'y ajouterai désormais Hécate de Frédéric Jaccaud qui a récemment réussi le tour de force de coucher sur cent trente pages le récit d’un fait divers, suivi d'un texte de pure fiction brodé tout autour, avant de s'achever par une remise en perspective de cette monstrueuse création. De la littérature noire accompagnée de son propre appareil critique, en somme. Sans dispositif plombant — et sans arrogance aucune, ce qui n'est pas loin d'être la plus belle qualité de ce livre —, Frédéric Jaccaud invente le roman noir / haïku autoréflexif.

Hécate repose également sur une grande idée, mais je viens à l'instant d'effacer les quelques lignes qui en traitaient afin d'éviter de vous révéler ce qui fait en grande partie le sel de ce texte vertigineux. Sachez seulement qu'il est tout à fait possible de naviguer dans ce livre comme on navigue dans Psycho, entre l’œil de Norman Bates et le corps meurtri de Marion Crane via Suzanne et les vieillards, la peinture de Willem van Mieris qu'Hitchcock avait volontairement placée dans le cabinet de curiosité de son tueur.

On y reviendra. Vous aussi.

Frédéric Jaccaud est le Bookhouse Boy de la semaine.

Fabien Thévenot, avril 2014

 

| On trouve quoi comme nouvelles acquisitions dans ta bibliothèque ?

Ce matin même, je viens de me procurer Baby Leg d'Evenson, Un an d'Echenoz, le Baudelaire de Benjamin et La Véritable histoire du soldat inconnu de Tardi.

 

| Quel livre marquant as-tu découvert à l’adolescence et que tu possèdes toujours ?

En vrac, et tiré d'une mémoire anarchique, je dirais Le Roi des aulnes de Tournier, Héliogabale d'Artaud, et un recueil de mythologie grecque.

 

| Sans égard pour sa qualité, lequel de tes livres possède la plus grande valeur sentimentale, et pourquoi ?

La Famille royale de Vollmann, parce que.

 

| Tu prêterais lequel de tes livres à quelqu'un que tu voudrais séduire ?

Il entrerait dans la légende de Skorecki, un magnifique roman d'amour.

 

| Que trouve-t-on comme livres “honteux” dans tes rayonnages ?

Les miens, ils gisent dans un coin de bibliothèque.

 

| Quels livres as-tu hérité de tes proches ?

Mon père m'a légué une collection de Bob Morane en poche Marabout.

 

| Le livre que tu as le plus lu et relu ?

U.S.A. de Dos Passos, inépuisable.

 

| Le livre qui suscite en toi des envies d'autodafé ?

Je pourrais fournir une liste, mais je me retiens.

 

| On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, tu optes pour lequel ?

La Foire au cochon d'Esparbec, ça ne s'explique pas.

 

| Quel est l’incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?

La repro à l'identique du Zettels Traum d'Arno Schmidt.

 

| Au bout d'une vie de lecture, et s'il n'en restait qu'un ?

Je me contenterais du poème Héros-Limite de Ghérasim Luca.

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