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BOOKHOUSE BOY #16 / Karim Berrouka

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J'ai rencontré Karim Berrouka il y a quelques semaines lors du festival des Intergalactiques à Lyon. Un ami en commun m'ayant fait savoir que ce dernier désirait se procurer un exemplaire de notre “Hiver sur les continents cernés” de Ossang, j'étais passé le lui apporter en main propre avec en tête d'échanger nos livres respectifs (lui, venait de sortir un recueil de nouvelles chez Actu SF).

 

Nous avons parlé de choses et d'autres. Mais ce que je n'ai pas osé te dire, Karim, c'est que nous nous sommes déjà rencontré une fois, il y a de cela très longtemps. C'était à Reims, en 1991. J'étais à cette époque un jeune phacochère de 17 ans qui trimait sur son premier fanzine punk, toi, tu étais chanteur des Ludwig Von 88. Avec Bruno vous aviez pris le temps de gentiment répondre à nos questions totalement cruches. C'était une de nos premières interviews. Nous découvrions alors ce milieu.

Si finalement nous avons donné autant d'années au mouvement punk, c'est parce que durant nos premiers mois de tâtonnements, personne ne nous a jamais pris de haut ni même cherché à brimer nos désirs de faire tout un tas de trucs : des fanzines, un label, des groupes, peu importe. Notre jeunesse et notre ignorance de quasi tout n'a jamais été un obstacle pour personne. A l'école, nous étions traité comme de la merde, mais dans le milieu punk, à défaut d'être pris au sérieux, tout le monde encourageaient notre potentiel. Nous découvrions alors l'autonomie et notre propre “volonté de puissance”. La chance nous était enfin donnée de fuir. Au sens premier du terme, d'abord (avant d'en découvrir bien des années plus tard le sens deleuzien).

 

Bref, Karim, je passais juste te dire merci. Merci pour l'accueil. Ce soir là, mais aussi pour l'accueil dans ce milieu là. On a vu de la lumière et on rentré. Et la chaleur qu'on y a trouvé a peut-être sauvé notre jeunesse. Peut-être même réchauffé notre vie entière.

 

| On trouve quoi comme nouvelle acquisition dans ta bibliothèque ?

« Le manuel des Castors Juniors ». Parce qu’il n’est jamais trop tard pour se préparer au pire. Avec l’arrivée imminente de l’apocalypse et de l’invasion zombie, autant mettre toutes les chances de son côté. Un des meilleurs ouvrages de littérature pré-apocalyptique.

Et « Die You Doughnut Bastards » de Cameron Pierce, parce qu’en plus du titre, de la couve, le bouquin est excellent, et que ça me rappelle le Québec et les beignes de chez Krispy Kreme.

 

| Quel livre marquant as-tu découvert à adolescence et que tu possèdes toujours ?

Aucun. Les livres marquants, j’ai tendance à les prêter aux potes, pour voir si ça les marque eux-aussi. Ils ne les lisent jamais et me les rendent encore moins souvent. Du coup, je dois les racheter. Ce qui fait plaisir aux libraires, aux éditeurs et aux auteurs. Je suis un type qui aime faire plaisir.

 

| Sans égard pour sa qualité, lequel de tes livres possède la plus grande valeur sentimentale, et pourquoi ?

« Cent ans de solitude », de Garcia Marquez. Parce que la première et la dernière phrase du livre me collent toujours des frissons, trente ans après, et que je l’ai lu dans un pays chaud qui n’existe plus, près dans une baraque qui a dû, depuis, être criblée une bonne dizaine de fois de balles. En plus, c’est le plus beau livre jamais écrit.

 

| Tu prêterais lequel de tes livres à quelqu'un que tu voudrais séduire ?

« Les liaisons dangereuses », histoire de partir sur de bonnes bases.

 

| Que trouve-t-on comme livres “honteux” dans tes rayonnages ?

« J’ai embrassé un zombie (et j’ai adoré) » d’Adam Selzer. Une œuvre majeure de la littérature, qui a fortement influencé Bourdieu et Derrida, et à laquelle les Inrockuptibles ont consacré un assez monumental numéro hors-série de 837 pages, illustré par Luc Besson.

 

| Quels livres as-tu hérité de tes proches ?

« Les chroniques martiennes » de Bradbury. Une vieille édition qui date des années 50, trouvée dans un carton dans la cave de mon grand-père. Bon, j’en ai pas vraiment hérité, puisque je me suis servi. Pas en très bon état, mais c’est tout un mystère. Qu’est-ce que ce bouquin foutait là, au milieu de vieilles revues de droit, alors que mon grand-père n’a jamais ouvert un livre de SF, que je suis même persuadé qu’il n’a jamais su ce qu’était la SF ? Un sombre secret de famille, à n’en point douter, que je réussirai à percer à jour une fois que j’aurai appris à faire tourner les tables.

 

| Le livre que tu as le plus lu et relu ?

Les cinquante premières pages de « L’être et le néant » de Sartre. Je ne désespère pas d’atteindre un jour la cinquante et unième page.

 

| Le livre qui suscite en toi des envies d'autodafé ?

Les cinquante premières pages de « L’être et le néant » de Sartre.

 

| On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, tu optes pour lequel ?

Un roman d’insouciance, de joie, d’aventures graciles, de beaux bruns ténébreux et de belles blondes faciles. Une épopée de grands châteaux et de marquises accortes, de pays d’amour et de duchesses exaltées. Genre « Le dépeupleur », de Beckett.

 

| Quel est l’incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?

Je sais pas. Le Nécronomicon ? Histoire de faire baver Cthulhu, de devenir maître du monde et de transformer Bernard Werber en Marc Levy.

 

| Au bout d'une vie de lecture, et s'il n'en restait qu'un ?

« Comment réussir après la mort », de Karim Berrouka.

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