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BOOKHOUSE BOY #03 / Laurent de Sutter

Laurent de Sutter (himself) devant une vidéo de Yoko Ono
Laurent de Sutter (himself) devant une vidéo de Yoko Ono

Si je n'ai pas encore lu le dernier essai de Laurent de Sutter «Théorie du trou» (Léo Scheer, 2013), c'est parce qu'il est sous titré «Cinq méditations métaphysiques sur “Une sale histoire"» et que j'attends désespérément de revoir le film de Jean Eustache avant de me plonger dans le livre. Laurent de Sutter, si vous avez sûrement croisé son nom en tant qu'auteur, sachez qu'on lui doit aussi beaucoup en tant que directeur de collection (il dirige «Perspectives Critiques» aux Presses universitaires de France). Pas de «Main gauche de David Lynch» (mon livre préféré de Pacôme Thiellement), sans lui, ni de «Kino-Tanz. L'art chorégraphique du cinéma» de Dick Tomasovic, pas plus que de «Plurivers. Essai sur la fin du monde» de Jean-Clet Martin ! Bref, autant de bonnes raisons de nous intéresser de près au contenu de sa bibliothèque…


| On trouve quoi comme nouvelles acquisitions dans ta bibliothèque ?

J’ai une consommation industrielle de livres. Rien que pour les quinze derniers jours, j’ai acheté ou reçu « Leçons de solfège et de piano » de Pascal Quignard, « La grève » de Ayn Rand, le « Traité des contrats » de Pierre de Jean Olivi, « L’enseignement du droit et la reproduction des hiérarchies » de Duncan Kennedy, « L’attrait du téléphone » de Emmanuelle André et Dork Zabunyan, « De la boxe » de Joyce Carol Oates, « ‘La horde sauvage’ de Sam Peckinpah » de Fabrice Revault, « La prestidigitation » de Jean Hladik, « L’ABCédaire du whisky » de Thierry Bénitah, « Zizek’s Politics » de Jodi Dean, « Zizek » de Mark de Kezel, « Weather Report » de Christophe Delbrouck, « Philippe Garrel, en substance » de Philippe Azoury, « Autoportrait » de Helmut Newton, « Eloge de la poésie » de Philip Sidney, « Best Thought, Worst Thought » de Don Paterson, « L’Amérique des dollars et du crime » de Gustave Le Rouge, « Negative Capitalism » de J. D. Taylor, « L’art d’écrire pour la radio » de Carlo Emilio Gadda, « In the Dust of this Planet » de Eugene Thacker, « Latour and Metaphysics » de Graham Harman, « Conversations with Zizek », « Interrogating the Real », « The Universal Exception », « Tarrying with the Negative » et « Looking Awry » de Slavoj Zizek, « Philosophies of Nature after Schelling » de Iain Hamilton Grant, « Confessions d’un compositeur » de John Cage, « Stuart Hall » de Mark Alizart & co, « D’Edo à Tokyo » de Philippe Pons, une édition des « Adorables de Zoroastre », « L’humanité augmentée » de Eric Sadin, et « Portrait de l’artiste en masochiste » de Boris Groys. A peu près.


| Quels livres marquants as-tu découvert à l’adolescence et que tu possèdes toujours ?

Pour mon malheur, mes parents ont toujours refusé de m’acheter des livres – sauf pour mes anniversaires, bien sûr. J’ai donc passé mon adolescence à traîner dans les bibliothèques publiques. Par la suite, j’ai tenté de racheter les livres que j’avais lus durant cette période, comme par exemple « Au bord de l’eau » de Shi Nai-an, qui reste un de mes livres préférés de tous les temps, les œuvres de Beckett ou de Gide, de Poe ou de Giraudoux, de Bernhard ou de Verne. Ceci dit, je suis toujours loin du compte dans la mesure où je préfère acheter des livres que je n’ai pas encore lus. De cette période, je conserve tout de même le « Théâtre complet » de Ionesco en Pléiade, les « Œuvres » de Cioran en Quarto, à peu près tout Anouilh (que j’adorais et adore toujours), mon édition en quinze volumes de la « Recherche », la tétralogie des « Jeunes filles » de Montherlant, l’ « Histoire du cinéma » de Bardèche et Brasillach, des tas de Tolkien, de Moorcock et de Frank Herbert, et quelques autres. Le plus ancien livre que je possède encore est une édition de « Croc blanc » qu’on m’a offerte quand j’ai eu huit ans.


| Tu prêterais lequel de tes livres à quelqu’un que tu voudrais séduire ?

« La nuit et le moment » de Crébillon.


| Que trouve t-on comme livres honteux dans tes rayonnages ?

Des tonnes de space opera. Les œuvres complètes de Françoise Sagan. Mais je n’en suis pas du tout honteux.


| Quels livres as-tu hérité de tes proches ?

Une grande partie de mes livres sur la musique me vient de mon grand-père paternel, qui était une figure reconnue de la critique musicale : l’ « Histoire de la musique » de Rebatet, l’ « Introduction à la musique de douze sons » de Leibowitz, les écrits de Bruno Walter sur Mahler, les grosses biographies de compositeur publiées chez Fayard, etc. J’ai aussi un livre d’horoscope sur le capricorne, dont j’ai hérité de mon grand-père maternel : je suis né, comme lui, un 24 décembre.


| Le livre que tu as le plus lu et relu ?

Je ne relis jamais.


| Un livre qui suscite en toi des envies d’autodafé ?

Je n’aime pas trop l’idée d’autodafé. Mais il est vrai qu’il m’arrive de faire voler des livres à travers mon cabinet de lecture. Le « Traité du rebelle » d’un certain philosophe populaire en a fait partie, de même qu’un roman de Michel Rio dont j’ai oublié le titre. Je ne sais pas trop ce qui m’a pris de lire ledit « Traité », dans la mesure où l’odeur de rance entourant tout ce que touche le philosophe populaire en question m’était parvenue aux narines. Je crois que j’ai jeté le livre à travers la pièce au moment de sa relecture d’ « Antigone », d’une telle bêtise et d’une telle malveillance qu’encore aujourd’hui j’en tremble de colère. Je n’ai rien contre l’idiotie – mais la bêtise, surtout lorsqu’elle est confite dans l’autosatisfaction de celui qui se croit du bon côté de la barrière, me rend dingue.


| On te propose de vivre éternellement dans un roman de ton choix, tu optes pour lequel ?

« Mademoiselle de Mustelle et ses amies » de Pierre Mac Orlan.


| Quel est l’incunable que tu rêves de posséder, ton Saint Graal bibliophilique ?

Je n'ai aucune pulsion bibliophilique. Mon rapport au livre est un rapport de consommateur - un rapport bibliomaniaque davantage qu'orienté vers le désir de posséder un objet rare ou original. Je trouve que tous les livres devraient tous être disponibles dans des éditions modernes. Mon Saint Graal bibliophilique n'est donc rien d'autre, j'en ai peur, qu'une hypothétique librairie borgésienne où l'on trouverait tout.


| Au bout d’une vie de lecture, et s’il n’en restait qu’un ?

« Tristram Shandy », of course.

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